Alizée Nogues

Emballages professionnels : concilier plastiques et stratégie 3R 

Alizée Nogues

Les emballages plastiques sont omniprésents dans les circuits professionnels. Fonctionnels, ils répondent aux contraintes logistiques des entreprises. Avec l’entrée en vigueur de la Responsabilité Élargie du Producteur (REP) des emballages professionnels en 2026 et l’accélération des objectifs de recyclage, ces matériaux se retrouvent au cœur d’enjeux complexes : collecte, traçabilité, réincorporation de matière recyclée, recyclabilité, coût.  Les défis à relever sont de taille, bien que moteurs d’un modèle d’économie circulaire pérenne. 

Emballages professionnels plastiques : de quoi parle-t-on ? 

Les emballages plastiques professionnels (hors emballages de la restauration) représentent 970 000 tonnes sur les 7,4 millions de tonnes d’emballages mis sur le marché français (emballages à usage unique et emballages réemployables neufs) chaque année1. Fûts, jerricans, bidons, films plastiques de palettisation… cette famille diversifiée répond aux contraintes spécifiques des circuits B2B. 
En effet, leur large adoption auprès des professionnels et industriels s’explique par des aptitudes techniques indéniables : légèreté, étanchéité, facilité de mise en forme, scellage, etc. Ces avantages fonctionnels, conjugués à un coût maîtrisé, en font souvent une solution technique de choix pour le transport ou le stockage des marchandises. 

Ces emballages plastiques sont principalement composés de résines conventionnelles – polyéthylène (PE), polypropylène (PP) et polyéthylène téréphtalate (PET). Ensemble, ils représentent 13% des 7,4 millions de tonnes d’emballages professionnels mis sur le marché annuellement, derrière le papier-carton (50%) et le bois (35%)2

Recyclage des plastiques : la course au 55% 

Le recyclage plastique accuse un retard important au regard des objectifs fixés par la loi AGEC3 et le Pacte vert européen 4pour 2025 et 2030.   

Taux de recyclageÀ date20252026
Papier-carton88%75%85%
Plastique26%50%55%
Bois34%25%30%
Acier51%70%80%
Aluminium34%50%60%

Les freins à un recyclage des plastiques efficace : 

  1. Un défaut de traçabilité des emballages professionnels : la première chose à faire est de garantir que tous les chiffres et toutes les données utilisées pour établir ces performances de recyclage sont robustes. L’absence actuelle de REP sur les emballages professionnels fait qu’une partie des emballages plastiques effectivement recyclés pourraient ne pas remonter dans les statistiques. 
  1. Un taux de collecte séparée insuffisant : 35% des déchets d’emballages plastiques professionnels sont collectés, contre 94% pour le carton et 66% pour les palettes en bois (avec une part majoritaire pour la collecte privée des plastiques à 49% contre 6% seulement via les services publics)5.
    Contrairement aux emballages ménagers dispersés, les emballages professionnels bénéficient d’une gestion plus centralisée et contrôlée. Il est ainsi plus facile de collecter des films de palettisation en fin de vie dans un entrepôt logistique d’un distributeur que de récupérer tous les films d’emballage chez des millions de consommateurs de manière diffuse.
  1. Une hétérogénéité des déchets plastiques à valoriser 6: le recyclage mécanique – procédé le plus répandu, le plus économique et le moins impactant sur l’environnement – exige le traitement de flux homogènes par résine pour être efficace et garantir des débouchés à haute valeur ajoutée. Le procédé de recyclage mécanique consiste à fondre la matière plastique et la remettre en forme pour qu’elle devienne une matière première qui soit exploitable pour une nouvelle application. La principale action d’un recycleur mécanique est de rendre le flux le plus homogène possible. Un mélange de plastiques aura tendance à complexifier le procédé et à produire une matière recyclée de moindre qualité, plus difficilement valorisable.  
    De plus, l’usage, le vieillissement et les conditions de stockage dégradent progressivement les propriétés des plastiques, ce qui complique leur recyclage.  
  2. Une question de coût. Le prix des plastiques vierges demeure trop bas pour encourager à l’utilisation de la matière recyclée qui continue à susciter des réserves chez certains donneurs d’ordre7. Et puis le coût de la main-d’œuvre, le coût de l’énergie ou les contraintes réglementaires propres à certains acteurs industriels européens peuvent freiner le recyclage au niveau local. Il faut peut-être trouver des solutions pour construire un certain équilibre et une certaine compétitivité des recycleurs locaux. 

Réincorporation des matières plastiques recyclées : anticiper 2030 

La mesure principale dans Le PPWR (Packaging and Packaging Waste Regulation) impose à tous les metteurs en marché de produits emballés d’avoir des emballages recyclables d’ici 2030. En conséquence, les fabricants d’emballages devront respecter des critères de conception pour le recyclage et atteindre un seuil minimal de 70% de recyclabilité avant mise sur le marché.  
Par ailleurs, les entreprises ont également des objectifs d’incorporation de plastique recyclé dans leurs emballages. Celles qui s’engagent dès maintenant dans l’incorporation de plastiques recyclés prennent de l’avance sur les obligations réglementaires de 2030. Cette anticipation leur permet de sécuriser l’accès aux gisements de matières recyclées avant la montée en charge de la demande.  

Un bénéfice économique et industriel 

Un plastique recyclé a un moindre impact qu’un plastique vierge. Mais son utilisation dépasse le seul enjeu environnemental. Elle permet aux entreprises de sécuriser leur approvisionnement tout en créant une boucle fermée : les emballages en fin de vie redeviennent « matière première » pour la fabrication de nouveaux emballages. 

Cette logique de circuit court renforce la résilience des chaînes de valeur face aux fluctuations du marché des matières vierges et aux tensions géopolitiques sur les approvisionnements. Incorporer des matières recyclées favorise par ailleurs l’émergence d’un écosystème de recyclage local, réduisant la dépendance aux filières d’exportation. 

Un dispositif de soutien financier à l’incorporation de matières plastiques recyclées pour 2026 8

Un arrêté inter-filières en préparation prévoit la mise en place d’un soutien financier pour l’incorporation de matières plastiques recyclées dans huit filières REP, dont les emballages industriels et commerciaux.


Ce dispositif, qui pourrait entrer en vigueur dès 2026, fonctionnerait selon un principe de primes. Le principe : les entreprises incorporant du plastique recyclé verraient leur contribution à l’éco-organisme diminuer, avec des primes calculées en fonction du nombre de tonnes de plastique recyclé. Il s’agit d’un mécanisme redistributif.


Ce soutien, s’il est adopté, imposera des critères d’éligibilité comme celui de la proximité, et des exigences de certification des matières recyclées incorporées.

Réemploi des emballages professionnels : pousser le déploiement 

Les chiffres confirment le potentiel de réemploi des emballages professionnels.  
Selon l’ADEME, le tonnage total des emballages professionnels réemployables (réemployables neufs et réemployés, hors emballages de la restauration), représente environ 8,5 Mt dont 288 000 tonnes d’emballages réemployables neufs (soit 3%).
Et sur les 8,5 millions de tonnes d’emballages professionnels réemployables, 2,9 millions sont en plastique (soit environ 35%). Les caisses et bacs plastiques affichent encore une marge de progression de 50 à 80%, tandis que les palettes plastiques atteignent déjà 80% de réemploi9. Au total, pour les emballages plastiques, la part d’emballages réemployables neufs mis sur le marché est à 4% et la proportion d’emballages à usage unique mis sur le marché à 96%. 

Des entreprises se sont emparées de ces questions de réemploi et proposent des solutions opérationnelles. Caisses pliables, palettes plastiques, housses plastiques fabriquées à partir de matières recyclées et idéales pour le transport et le stockage de nombreuses marchandises.  
Le secteur automobile illustre très bien ce potentiel en utilisant de plus en plus d’emballages réemployables : les caisses plastiques pliables circulent entre équipementiers et constructeurs sur de nombreux cycles, optimisant les flux logistiques. Cette pratique s’étend dans l’industrie chimique et d’autres secteurs industriels. 

Qu’attendre de la REP des emballages professionnels pour la valorisation des déchets plastiques ? 

La future REP des emballages professionnels, prévue pour 2026, devrait créer un cadre propice à la conduite de stratégies 3R plus efficaces, en permettant à tous d’évoluer sur le traitement et la production des plastiques et leurs déchets. 
Ce nouveau cadre pourrait jouer en faveur d’une meilleure traçabilité des flux et un suivi des données plus précis sur les performances réelles de recyclage des plastiques. Cette transparence renforcée permettra de mesurer précisément les progrès et d’identifier les gisements d’amélioration par secteur et par type d’emballage.
Le principe même de la Responsabilité Élargie du Producteur crée un système de modulation des contributions : les entreprises qui adoptent des pratiques vertueuses (réduction, réemploi, incorporation de matières recyclées) bénéficieront d’une modulation à la baisse de l’éco-contribution. Les entreprises qui s’engagent tôt dans ces démarches bénéficient ainsi d’un avantage concurrentiel financé par la mutualisation des contributions au sein de la filière. 
Une fois agréés, les éco-organismes accompagneront les entreprises dans leurs stratégies de réduction et réemploi, avec un focus particulier sur l’incorporation de matières recyclées pour créer des boucles fermées économiquement viables. 

  1. Étude de préfiguration de l’ADEME (Page 12) ↩︎
  2. Étude de préfiguration de l’ADEME (Page 12) ↩︎
  3. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000041553759/ ↩︎
  4. https://www.europarl.europa.eu/topics/fr/article/20181212STO21610/dechets-plastiques-et-recyclage-dans-l-ue-faits-et-chiffres-infographie#:~:text=Dans%20le%20cadre%20du%20Pacte,plastique%20recycl%C3%A9%20sont%20%C3%A9galement%20n%C3%A9cessaires. ↩︎
  5. Étude de préfiguration de l’ADEME (Page 37) ↩︎
  6. https://www.senat.fr/fileadmin/Presse/Documents_pdf/20230629_OPECST_note_recyclage_plastiques_VF.pdf ↩︎
  7. https://www.senat.fr/fileadmin/Presse/Documents_pdf/20230629_OPECST_note_recyclage_plastiques_VF.pdf ↩︎
  8. Sur les premières analyses de cet arrêté, nous vous invitons à consulter le décryptage du cabinet Gossement Avocats. ↩︎
  9. Étude de préfiguration de l’ADEME (Page 29) ↩︎

Pour aller plus loin