Publié le 19 juin 2025 dans Articles
Avec l’arrivée de la Responsabilité Élargie du Producteur (REP) pour les emballages professionnels, de nombreux défis se posent aux industriels. Citeo Pro a pu échanger avec Gauthier Legrand, Regional Services Manager Southern & Central Europe chez Schoeller Allibert. L’occasion d’aborder avec lui la question de la transformation du gisement d’emballages.
Gauthier Legrand – Schoeller Allibert est une entreprise présente sur le marché depuis plus de 60 ans. Elle conçoit des solutions d’emballages réutilisables : la notion de recyclabilité des emballages est donc au cœur de son activité. Mais les choses évoluent, et notre façon de penser avec. Nous repensons nos stratégies, et l’innovation est désormais au cœur de nos discussions avec nos clients. Récemment, le 30 avril, nous avons annoncé notre fusion avec un acteur majeur du secteur de l’emballage, ce qui nous permettra d’accéder à une présence mondiale. La transaction devrait être finalisée au troisième trimestre 2025, sous réserve des conditions de clôture habituelles.
G. L. – Un emballage peut servir à plusieurs choses. Tout d’abord, il faut déterminer les différents types d’emballages : primaire, secondaire, tertiaire. Chez Schoeller Allibert, nous intervenons sur les emballages secondaires, dans le transport et la logistique. Le choix d’un emballage dépend avant tout des cœurs de métiers. Il peut aussi parfois être un acteur de différenciation auprès des consommateurs, comme dans le monde de la boisson.
Aujourd’hui, les grandes discussions concernent la standardisation des emballages dans les différents marchés. Les emballages sont repensés, mais doivent conserver avant tout une fonction de logistique, de transport. Pour passer de la recyclabilité au réemploi, de nouveaux acteurs sont mobilisés : le collectif permet d’aller plus vite et plus loin.
G. L. – Auparavant, nous concevions un emballage pour répondre à un cahier des charges techniques. Maintenant il faut intégrer d’autres éléments, comme l’analyse de cycle de vie ou la réduction de l’empreinte carbone des emballages en adéquation avec les stratégies RSE mises en place par nos clients. Concevoir un emballage, c’est une chose. Mais aujourd’hui, ce qui compte, c’est la manière dont on l’utilise, la façon dont on répond aux enjeux actuels et la valeur ajoutée que l’on peut apporter dans sa gestion au quotidien. C’est devenu le cœur des échanges avec nos clients : nous ne sommes plus vus uniquement comme un fabricant, mais aussi comme un fournisseur global de solutions.
G. L. – C’est effectivement l’idée. Bien entendu, cela ne s’applique pas à tous les marchés : tout dépend des produits conditionnés. Cela étant dit, il est évident que la législation et ses échéances réglementaires, avec les objectifs à horizon 2040, nous permet d’embarquer l’ensemble des acteurs. L’enjeu est donc de regrouper tous les acteurs de la chaine de valeur : de l’approvisionnement en matières premières, à la conception des emballages, jusqu’à leur traçabilité.
La traçabilité est essentielle pour fournir à nos clients industriels les données dont ils ont besoin, pour distinguer un emballage réemployable d’un emballage effectivement réemployé. La distinction est encore floue, d’autant que la législation n’apporte pas toujours de réponses claires. Cela dit, des lignes directrices commencent à émerger. Et nous avons la chance, en France, de pouvoir nous appuyer sur des éco-organismes comme Citeo Pro, qui rassemblent les acteurs autour de la table pour faire émerger des synergies communes.
G. L. – La loi AGEC permet de cadrer les pratiques et d’aller plus loin, mais de nombreux industriels avaient déjà anticipé cette transition, que cela soit dans leur communication avec leurs clients ou dans leur manière de repenser l’emballage. L’emballage, tout le monde en connaît la définition, mais sa fonction varie énormément selon les usages. C’est là que des synergies sont possibles, car on observe que beaucoup d’industriels utilisent des emballages similaires, et cela ouvre la voie à des réflexions communes. En tant que fabricant d’emballages réemployables, il est clair que si notre ambition se limite à produire des contenants, l’histoire s’arrêtera vite. Pour aller plus loin, il faut s’inscrire dans une démarche globale, et nous sommes prêts à accompagner cette transition.
Il faut aussi considérer l’ensemble des acteurs, y compris ceux qui ne l’étaient pas avant, comme les fabricants de machines. Pour un industriel, passer au réemploi n’est pas si simple. Cela a des impacts concrets : des nouveaux budgets, des adaptations de lignes de production. La recyclabilité reste un enjeu majeur. Ce n’est pas seulement une question de logistique : il faut aussi penser à la fin de vie des emballages, à leur traçabilité, et à la manière dont ils peuvent être recyclés. Entre fabricants d’emballages réemployables, nous n’avons pas toujours les mêmes contraintes, ni les mêmes cahiers des charges. Cela crée des obstacles techniques, notamment en fin de cycle, alors qu’il serait souhaitable de pouvoir recycler tous ces emballages selon une même logique.
G. L. – Oui, dès la phase de conception, il est essentiel d’intégrer les contraintes liées au lavage. Techniquement, mettre en place un emballage réemployable est faisable : cela prend du temps mais c’est relativement simple. En revanche, selon les industries, le cahier des charges n’est pas le même, car les contraintes sont différentes : par exemple, un emballage destiné à l’automobile ne répondra pas au même cahier des charges qu’un emballage utilisé dans l’agroalimentaire, où l’on gère par exemple des sacs de congélation ou des produits soumis à des températures élevées. Plusieurs questions se posent : faut-il laver systématiquement un emballage, même s’il n’est pas en contact direct avec le produit ? Est-il nécessaire de nettoyer l’emballage à chaque utilisation ? Ce sont tous ces sujets qu’il faut adresser. Certains industriels ont déjà défini leur stratégie sur le sujet, mais il reste encore beaucoup à faire sur le sujet.
G. L. – Il a beaucoup évolué et continue d’évoluer. Aujourd’hui, arriver chez nos clients et dire simplement « j’ai un emballage, je peux le faire de telle couleur », cela n’a pas de plus-value. Ce qui fait la différence, c’est notre capacité à proposer des solutions qui s’inscrivent dans une logique globale, avec une connaissance précise du cycle de vie du produit et de la façon de réduire son impact carbone. L’emballage n’est jamais une fin en soi, et rarement un sujet prioritaire ou « plaisir » pour nos clients. Notre objectif, c’est de permettre à nos clients de se concentrer sur leur cœur de métier, en l’occurrence l’industrie, pendant que nous prenons en charge tout ce qui concerne la gestion de leurs emballages.
G. L. – Aujourd’hui, nous intervenons à la fois sur des petits bacs pliables et sur des emballages de transport plus volumineux, comme les caisses-palettes. Nos secteurs d’activité sont variés : nous travaillons notamment dans la pharmacie, la cosmétique et la chimie. Dans l’univers pharma-cosmétique, nous accompagnons de grands industriels sur des contenants pour tubes, pots ou flacons. Nous travaillons aussi auprès des minéraliers, sur les bouchons ou les préformes, où le réemploi est déjà ancré dans leur chaine de valeur.
G. L. – Ce qu’on ne verra plus ? C’est encore difficile à dire aujourd’hui, car tout dépend de la définition que chaque industriel donne à la traçabilité. Pour certains, il s’agit uniquement du suivi des emballages professionnels ; pour d’autres, cela s’étend à l’ensemble de la chaîne de valeur.
Ce que l’on voit émerger, ce sont de nouvelles technologies d’identification. Demain, un emballage réemployable devra intégrer des systèmes de traçabilité embarqués. Certains industriels privilégient le code-barres, d’autres le QR code, voire les tags RFID. Mais cela soulève d’autres questions : qu’en est-il de la consommation d’eau associée à ces systèmes ? L’étiquette est-elle recyclable ou réemployable ?
On voit aussi apparaître des solutions comme le marquage laser intégré sur les bacs plastiques. Cela permet d’éviter l’ajout d’éléments extérieurs et de garantir que l’emballage puisse ensuite être broyé, puis réinjecté dans la production avec une matière dont on connaît les spécificités et la valeur.
L’intelligence artificielle est un autre levier prometteur. Des outils existent déjà, notamment via des logiciels de traçabilité, mais s’ils sont peu utilisés. Nous travaillons aujourd’hui avec plusieurs industriels qui développent ces solutions, et les perspectives sont très intéressantes.
G. L. – En France, on a la chance d’avoir des éco-organismes, ce qui permet de structurer un cadre : ce n’est pas le cas partout dans le monde. Certains pays sont plus avancés, d’autres moins. Le lancement national autour du retour du réemploi, avec le débat sur la consigne notamment, a ouvert de nombreuses discussions. Pour certains, cela ressemble à un retour en arrière, à une logique qu’on connaissait autrefois. Mais aujourd’hui, la France va plus loin, notamment en s’attaquant non seulement aux emballages de transport, mais aussi à l’emballage primaire.
Chez nos clients internationaux, on sent qu’il y a une vraie réflexion sur la standardisation. Chaque pays utilise des emballages spécifiques, mais on commence à identifier des formats qui pourraient être communs à plusieurs marchés. C’est une évolution clé : elle permettra à nos clients de réduire leur empreinte carbone, tout en améliorant leur taux de réemployabilité.
2040, c’est demain, et on est déjà prêts. Il reste quelques éléments à déterminer. Certains volets sont encore en cours de définition, bien sûr, mais sur de nombreux périmètres, nos solutions sont déjà opérationnelles. Ce qu’on retient surtout, c’est que pour réussir cette transition, il faudra agir collectivement. C’est le collectif qui nous fera avancer plus vite et plus loin.
En tant qu’industriels, nous sommes prêts : prêts à proposer des solutions, mais aussi à l’écoute. Et cette écoute est essentielle : des plateformes comme Citeo Pro jouent un rôle clé en réunissant tous les acteurs autour de la table pour avancer ensemble, sans erreur de trajectoire.
Bien sûr, on ne sait pas exactement ce que la législation nous imposera d’ici 2040, mais une chose est sûre : elle nous pousse déjà à accélérer. On l’a encore vu récemment lors du salon ReUse Economy Expo (qui s’est tenu fin mai 2025 NDLR) : de nombreux partenaires européens sont venus échanger avec nous, curieux de mieux comprendre notre vision. Et cela ouvre des perspectives. On sent que la vision française, malgré les critiques, inspire. Elle est perçue très positivement puisqu’elle pousse à aller de l’avant.