Alizée Nogues

Outil de l’économie circulaire et de compétitivité, à quoi sert la REP ?

Alizée Nogues

La Responsabilité Élargie du Producteur (REP) est souvent perçue comme une simple obligation réglementaire. Pourtant, son utilité va plus loin qu’un seul impératif de conformité. Avec 19 filières en France en 2025 et plus de 500 systèmes de REP dans le monde, ce dispositif s’inscrit dans la transition vers des modèles économiques intégrant davantage les principes de l’économie circulaire.
Mais concrètement, à quoi sert ce dispositif ?

Atteindre les objectifs des 3R : réduction, réemploi, recyclage

En attribuant aux producteurs la responsabilité de l’ensemble du cycle de vie de leur produits et de leurs emballages, la REP contribue à la mise en œuvre des objectifs environnementaux fixés par les pouvoirs publics :
1 – Réduire la production de déchets. Par exemple, la loi AGEC impose l’objectif de 20% de réduction des emballages à usage unique d’ici 2025 (par rapport à 2018).
2 – Développer le réemploi et la réutilisation. Les éco-organismes consacrent 5% de leur budget au développement du réemploi, créant ainsi un écosystème favorable à cette pratique. L’objectif ambitieux de 10% d’emballages réemployés doit être atteint en Malgré les efforts engagés, le réemploi et la réutilisation restent peu développés, ne concernant que 2,3% du gisement couvert par les filières REP.1
3 – Optimiser le recyclage des matériaux. Les matériaux triés et recyclés doivent être réintégrés dans la chaîne de production. Par exemple, la loi AGEC impose l’objectif de 55% de plastique recyclé contre 26% en 2024.

Voici le calendrier des objectifs 3R à atteindre :

Faire évoluer les modèles économiques vers plus de circularité

La REP, déclinaison du principe de « pollueur-payeur », propose une alternative au modèle linéaire de production – extraire, fabriquer, consommer, jeter – face au contexte de ressources limitées. Ce dispositif encourage :

L’éco-conception : La REP incite les producteurs à intégrer des critères environnementaux dès la phase de conception des produits pour faciliter leur recyclage ou leur réemploi.

L’innovation et la R&D : Les exigences liées à la gestion de fin de vie des produits et des emballages conduisent au développement de nouvelles technologies, de nouveaux matériaux pour améliorer la recyclabilité, et à l’adoption de processus de fabrication intégrant davantage les enjeux environnementaux.

La structuration des flux de matières : La REP contribue à organiser des filières dédiées pour la collecte, le traitement et la réintroduction des matériaux dans le cycle de production. Selon les données 2022 de l’ADEME, sur 21,9 millions de tonnes de produits mis sur le marché, 8,1 millions sont recyclées. Selon les matériaux, les taux de recyclage varient. Par exemple, les emballages professionnels papier-carton sont recyclés à plus de 80% quand le taux de recyclage plastique des emballages professionnels demeure en deçà des 30%. L’écart entre ces chiffres illustre les marges de progression existantes dans la gestion des déchets2.

Renforcer la compétitivité des entreprises et des territoires

En tant qu’outil de l’économie circulaire, la REP a trait à la compétitivité économique.
Dans un contexte de tension sur les ressources et d’instabilité des marchés, la mise en œuvre efficace de ce dispositif peut contribuer à :

Réduire la dépendance aux matières premières : Le recyclage et la réutilisation des matériaux sur le territoire national représentent une alternative stratégique et durable aux importations, face aux variations de prix et aux aléas d’approvisionnement sur les marchés mondiaux.

Une meilleure traçabilité des produits : Connaître l’origine et le traitement des matériaux garantit fiabilité et sécurité, autant pour les consommateurs que pour les partenaires commerciaux.

Plus de sécurité des investissements : L’économie circulaire, en favorisant les circuits courts d’approvisionnement, peut contribuer à une meilleure visibilité pour les entreprises qui connaissent les sources des marchandises. Cette transparence facilite la planification des investissements à long terme.

Le renforcement de l’industrie locale : Le développement de pratiques durables s’accompagne de l’émergence de nouvelles activités, de la création d’emplois et du soutien à l’innovation dans les territoires. Selon les estimations, l’économie circulaire représente un potentiel de 800 000 emplois en France, principalement dans des activités comme la collecte, le tri, le reconditionnement et le recyclage3.

De 1992 à 2024 : l’efficacité de la REP en chiffres4

Malgré ces avancées, d’importantes marges de progression subsistent. 40% des déchets soumis à une REP échappent encore à la collecte, et la moitié des déchets collectés n’est pas recyclée5.
Les objectifs fixés restent difficiles à atteindre pour de nombreuses filières. Deux tiers d’entre elles n’atteignent pas leurs cibles de collecte, avec des écarts particulièrement marqués pour les équipements électroniques et les textiles.
La filière des emballages ménagers, qui représente près d’un tiers du gisement total, reste en retard sur le recyclage des emballages en plastique et en aluminium.

En 2022, les 14 filières REP françaises ont collecté 10,1 millions de tonnes de produits6, sur un total de 21,9 millions mis sur le marché7. Ce différentiel de près de 12 millions de tonnes représente à la fois un défi environnemental majeur et une opportunité pour l’économie circulaire française.

Les défis d’harmonisation des systèmes REP

La diversité des cadres réglementaires

Les différences entre les législations au niveau européen constituent un facteur de complexité pour une pleine efficacité des systèmes de REP. En effet, la directive déchets 8exige des Etats membres qu’ils établissent des systèmes REP, tout en leur laissant des marges de manœuvre qui génèrent des variations dans les moyens, les critères et les objectifs. Cette situation conduit les entreprises à adapter leurs approches selon les pays de destination de leurs produits, alors que la gestion des déchets s’inscrit dans une problématique au-delà des frontières.

Le nouveau règlement européen sur les emballages et leurs déchets, PPWR (Packaging and Packaging Waste Regulation), qui remplace la directive déchets par un cadre commun pour tous les États membres, franchit une étape dans l’harmonisation de la réglementation de la REP au sein de l’Union européenne.

Le rôle des éco-organismes

Les éco-organismes occupent une place centrale dans le système REP. Ces structures, qui assurent l’interface entre metteurs en marché, détenteurs et opérateurs, participent au financement de la gestion de la fin de vie des produits et emballages. Leur fonction consiste à coordonner les actions des différents acteurs d’une même filière pour répondre aux objectifs environnementaux qui leur incombent.

Leur mission, encadrée par un cahier des charges défini par les pouvoirs publics, comprend le déploiement d’actions pour améliorer les performances environnementales des filières. Les éco-organismes allouent une partie de leur chiffre d’affaires au soutien de projets, par exemple dans le domaine du réemploi.

L’essentiel

Le système de REP s’apparente donc à un mécanisme qui lie les enjeux environnementaux et économiques. Les entreprises sont ainsi invitées à reconsidérer leurs modèles d’affaires. Il intervient sur 3 leviers :

● Accélérer la transition vers des modèles économiques circulaires.
● Concrétiser les objectifs environnementaux.
● Renforcer la résilience et la compétitivité des entreprises.

Son efficacité dépend de la coordination des pratiques entre tous les acteurs au niveau local, national et à l’échelle européenne mais aussi de l’intégration de ses principes dans les stratégies d’entreprise, au-delà de la seule conformité réglementaire.

  1. https://www.citeopro.com/wp-content/uploads/2025/06/2024-M-007-04-Rapport-public-REP_Version-Web.pdf ↩︎
  2. Memo REP 2022. ADEME ↩︎
  3. Les filières à Responsabilité Élargie du Producteur – Commissariat général au développement durable 2023 ↩︎
  4. Inspection générale des finances – Performances et gouvernance des filières à Responsabilité Élargie du Producteur, juin 2024 ↩︎
  5. Inspection générale des finances – Performances et gouvernance des filières à Responsabilité Élargie du Producteur, juin 2024 ↩︎
  6. Ib. IGF ↩︎
  7. Memo REP 2022. ADEME ↩︎
  8. La directive (UE) 2018/851 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 2008/98/CE relative aux déchets ↩︎