Publié le 4 juin 2025 dans Articles
Interview de Romane Colleu, Conseillère affaires européennes Groupe Citeo
Le Packaging and Packaging Waste Regulation (PPWR) marque une avancée dans l’harmonisation de la conception et la gestion des emballages à l’échelle européenne. Notre experte Romane Colleu nous éclaire sur les implications du PPWR – dont l’application est prévue pour 2026 – pour les emballages professionnels.
Romane Colleu – Le PPWR remplace la directive emballage de 1994, révisée en 20181, qui était devenue obsolète face aux évolutions des enjeux 3R (réduire, réemployer, recycler). Cette directive offrait principalement un cadre sur la gestion de la fin cycle de vie des
emballages professionnels, avec comme mesure clé l’établissement d’une Responsabilité Élargie du Producteur. Les dispositions relatives à la réduction ou réemploi restaient, elles, succinctes.
Dans le cadre du Pacte vert européen et du plan d’action pour une économie circulaire, la Commission européenne a choisi de faire évoluer ce texte en passant d’une directive – qui impose une transposition par chaque État membre – à un règlement qui s’applique directement à tous les opérateurs économiques européens. Le but consiste à harmoniser les règles afin de limiter les disparités entre les États membres de l’Union européenne.
RC – La raison d’être du PPWR est de réduire l’impact environnemental des emballages sur l’ensemble de leur cycle de vie au-delà de la fin de vie. Aussi, nous faisons face aujourd’hui à un marché fragmenté, ce qui engendre des difficultés significatives. Les entreprises opèrent à l’échelle européenne et internationale, et doivent par conséquent s’adapter aux différentes législations en vigueur dans chaque État membre. Les conséquences se manifestent sur plusieurs plans : temps consacré à l’analyse réglementaire, coûts supplémentaires, investissements spécifiques et manque de prévisibilité. Les entreprises sont également exposées au risque de modifications législatives soudaines dans un État, pouvant survenir dans un délai court. C’est pourquoi le mot d’ordre aujourd’hui est plutôt “harmonisation”. Ceci s’inscrit dans les perspectives actuelles de réussir à concilier la conduite des objectifs 3R avec le renforcement de la compétitivité des entreprises européennes. Cette harmonisation réglementaire vise à créer des conditions de concurrence équitables entre les États membres. À l’échelle mondiale, elle devrait contribuer à renforcer l’autonomie et la position de l’Union européenne.
RC – Le règlement introduit des objectifs de réemploi de 40% au minimum en 2030 puis 70% en 2040 pour les emballages de transport ou de vente utilisés pour le transport : palettes, caisses plastiques pliables, boîtes, plateaux, caisses en plastique, grands récipients pour vrac, seaux, fûts et de bidons de toutes tailles et de tous matériaux, y compris les formats souples ou les enveloppes ou sangles de palettes pour la stabilisation et la protection des produits placés sur des palettes pendant le transport.
Dans cette catégorie sont exemptés :
● Les emballages pour le transport des biens dangereux ;
● Les emballages sur mesure pour répondre aux besoins individuels de l’opérateur économique pour le transport de grandes machines, d’équipements et de marchandises ;
● Les emballages souples en contact alimentaire utilisés ;
● Les boîtes en carton.
Pour le transport de marchandises au niveau du territoire de l’Union européenne, des objectifs de réutilisation des emballages à 100% vise :
● Les emballages de transport utilisés par un même opérateur entre ses différents sites ou avec ses entreprises liées/partenaires ;
● Les emballages de transport utilisés pour livrer des produits à d’autres opérateurs économiques au sein d’un même État membre (y compris e-commerce).
Pour la restauration et la vente à emporter, le calendrier est progressif : mise en place d’un dispositif de recharge mi 2027, proposition d’une option d’emballage réemployable mi 2028, puis 10% des produits dans un format réemployable à partir de 2030. Les microentreprises bénéficieront d’exemptions.
Aussi, tous les emballages devront être recyclables d’ici 2030. Ceci implique de respecter des critères de conception pour le recyclage et d’atteindre un seuil minimal de 70% de recyclabilité pour pouvoir être mis sur le marché.
RC – Effectivement, la réduction constitue un axe central du règlement.
À partir de début 2027, les fabricants devront s’assurer que le poids et le volume de leurs emballages sont réduits au minimum nécessaire pour assurer leur fonctionnalité. Les emballages conçus uniquement pour augmenter le volume perçu du produit (doubles parois, faux fonds, etc.) seront interdits.
En 2030, certains formats d’emballages en plastique à usage unique ne pourront plus être mis en marché. Ce sera notamment le cas des emballages groupés en plastique ou des plateaux, assiettes et gobelets jetables pour la consommation sur place dans le secteur CHR.
Les États membres devront également atteindre un seuil de prévention des déchets 2d’emballages : – 5% en 2030, – 10% en 2035, – 15% en 2040.
Une mesure notable concerne la réduction du taux de vide dans les emballages de transport et de e-commerce. À partir de 2030, ces emballages devront respecter un taux de vide maximum de 50%, l’espace rempli avec des matériaux de remplissage (coussins d’air ou papier froissé) étant considéré comme vide.
RC – La Responsabilité Élargie du Producteur des Emballages professionnels (REP EP) à venir tient compte du PPWR. Les pouvoirs publics y ont intégré les définitions européennes.
En substance, la France doit s’aligner sur le règlement européen qui va s’appliquer de fait.
Le PPWR laisse quand même une certaine marge de manœuvre aux États membres, qui pourront dans certains cas fixer des objectifs plus ambitieux. L’enjeu sera d’arbitrer entre l’alignement sur le texte européen et le maintien de certaines spécificités nationales issues notamment de la loi AGEC sur les 3R.
L’organisation des REP répartie entre les emballages ménagers ou emballages professionnels n’est pas impactée directement par le PPWR qui s’applique de manière générale à tous les emballages.
RC – L’essentiel est de comprendre le fonctionnement du règlement et de suivre attentivement la publication des actes délégués et d’exécution. Le PPWR pose des principes généraux qui peuvent sembler complexes, mais ces actes préciseront les modalités techniques et permettront aux entreprises de se mettre en conformité.
Concernant les éco-organismes, leur rôle ne changera pas. Notre mission d’accompagnement reste la même avec cette logique des 3R, et notre suivi réglementaire continuera comme nous l’avons fait pour la loi AGEC.
RC – L’objectif principal est bien sûr de continuer à progresser dans la réduction de l’impact environnemental des emballages. Le PPWR, grâce à l’harmonisation réglementaire qu’il enclenche, devrait aider à franchir un cap en faveur de l’atteinte de nos objectifs environnementaux.
Gardons néanmoins à l’esprit que cette évolution prendra du temps, puisque les premières mesures significatives n’entreront en vigueur qu’en 2030. Les résultats ne seront donc pas immédiats, mais ils contribueront au développement d’une économie circulaire européenne plus unifiée à moyen terme.
L’économie circulaire européenne3
RC – Le règlement est entré en vigueur le 11 février 2025, mais il ne sera applicable qu’à partir du 12 août 2026. À cette date, le cadre général et les définitions deviendront effectifs.
Ensuite, l’application des différentes mesures s’échelonnera dans le temps : certaines exigences de réduction entreront en vigueur en 2027, les interdictions de certains formats d’emballages en plastique à usage unique en 2030, les objectifs de réemploi et d’intégration de matière recyclée entre 2030 puis réhaussés en 2040.
Ce déploiement progressif laisse aux acteurs du secteur le temps d’anticiper et réussir cette transition.