L’optimisation de la gestion des déchets appliquée à la REP des emballages professionnels
Publié le 4 septembre 2025 dans Articles

Rencontre avec Suzy Mc Ennis, directrice associée du cabinet Vertuow spécialisé dans l’optimisation de la gestion des déchets des entreprises.
À l’approche de l’entrée en vigueur de la filière à Responsabilité Élargie du Producteur (REP) des emballages professionnels, les entreprises sont à l’écoute de solutions pragmatiques pour optimiser leur gestion des déchets tout en maîtrisant leurs coûts. Éco-contributions, valorisation, développement du réemploi : les défis opérationnels sont multiples et nécessitent une approche structurée.
Suzy Mc Ennis nous partage sa vision sur les enjeux et les opportunités de cette future réglementation.
C.P. – Qu’entend-on par “optimisation de la gestion des déchets” chez Vertuow ?
S.ME. – Vertuow existe depuis 18 ans et avec mon associé Ghislain Requillart nous continuons aujourd’hui d’accompagner les entreprises et industriels dans l’optimisation de la gestion de leurs déchets. Notre fer de lance : allier performance environnementale et maîtrise budgétaire. Nous travaillons principalement avec de grandes enseignes de distribution, de logistique ainsi que des industriels qui génèrent d’importants volumes d’emballages professionnels (cartons, palettes, films plastiques, etc.).
Pour ces clients, optimiser la gestion des déchets, c’est à la fois se conformer à une réglementation en constante évolution, réduire leur impact environnemental et maîtriser leurs coûts. Sans oublier la réduction à la source et une meilleure valorisation des déchets restants.
Pour ce faire, chez Vertuow nous auditons d’abord l’organisation existante, puis établissons des scénarios optimisés avec les bons contenants, les bons process internes et négocions les conditions de collecte, traitement et valorisation auprès des prestataires déchet et filières de valorisation. Nous avons également développé Waste Pilot, un outil web qui permet de gérer les demandes de collectes et de suivre les indicateurs de performance déchets des sites.
C.P. – Comment appréhendez-vous l’arrivée de la REP des emballages professionnels ? Quels sont les principaux enjeux ?
S.ME. – Nous suivons le sujet de très près car nous travaillons notamment pour d’importantes enseignes de distribution et de logistique. Aujourd’hui ces grands groupes, qui utilisent beaucoup de papier-cartons, palettes, et autres, sont déjà avancés sur le tri et la valorisation de ces emballages. La plupart gèrent assez bien ces gisements.
Le vrai défi se situe ailleurs. D’abord sur les plastiques où les filières de recyclage sont encore complexes, notamment du fait du caractère diffus et de la grande diversité des plastiques.
Ensuite sur les aspects opérationnels de la REP des emballages professionnels, des questions restent en suspens : Qui va recevoir les soutiens financiers ? Comment cela va-t-il modifier le paysage des prestataires ?
Et surtout, le réemploi constitue un des grands challenges à venir. Toutes les filières REP ont prévu un volet réemploi. C’est là qu’il va y avoir pas mal de travail car c’est beaucoup moins mature, même chez les grands groupes.
C.P. – Sentez-vous les entreprises inquiètes ?
S.ME. – Je ne perçois pas forcément d’inquiétude chez nos clients. En effet, ceux-ci ont déjà anticipé cette évolution et attendent plutôt de connaitre les modalités pratiques de cette nouvelle REP.
Les questionnements portent plutôt sur les entreprises qui mettent des emballages sur le marché. Ces acteurs, qui ne sont pas forcément ceux qui les produisent, vont devoir payer des éco-contributions. Ils devront revoir leur business model, contrairement aux distributeurs qui gèrent déjà leurs déchets d’emballages.
C.P. – Pouvez-vous nous en dire plus sur votre approche “zéro déchet” ? Comment cela se matérialise-t-il chez Vertuow ?
S.ME. – Attention, « zéro déchet » est un terme un peu galvaudé. Nous parlons plutôt de « zéro déchet ultime », qui est notre véritable objectif. Notre approche repose sur deux piliers.
D’abord, nous nous concentrons sur les déchets non valorisés, communément appelés les DIB en mélange, pour identifier ce qui peut encore être valorisé, trié différemment, envoyé chez des recycleurs spécialisés. [ndlr : Les DIB correspondent aux déchets qui ne sont ni inertes ni dangereux et générés dans le cadre d’une activité professionnelle.] Nous fixons ensuite des objectifs de taux de valorisation et de répartition matière et suivons chaque mois l’évolution de ces indicateurs de performance.
Ensuite, nous appliquons l’adage « le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas ». Nous accompagnons nos clients dans la réduction à la source en partageant notre connaissance des solutions terrain : limiter les déchets d’emballages et de calage (carton, films, palettes, polystyrène) en mettant en place des contenants réutilisables, par exemple. Ces solutions existent et se développent, mais nécessitent souvent une réorganisation interne.
C.P. – Comment mesurez-vous l’impact environnemental d’un emballage ? Quels outils et critères utilisez-vous ?
S.ME. – Notre outil Waste Pilot est à la fois très opérationnel et analytique. Côté terrain, il permet aux sites de gérer leurs enlèvements en trois clics via un portail unique, même avec plusieurs prestataires différents. Côté pilotage, il nous donne un reporting précis de toutes les collectes et tonnages. Ces données sont utiles pour les entreprises soumises à l’obligation de reporting extra-financier dans le cadre de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive).
Nous calculons plusieurs indicateurs : les tonnes équivalent carbone émises via la gestion des déchets, notamment les transports. Quand nous optimisons les process et modes de conditionnement, nous pouvons diviser par deux ou plus le nombre de rotations, ce qui a un impact transport considérable.
Nous suivons aussi les taux de valorisation, les indicateurs de densité, les déclassements, etc. L’objectif est de proposer à nos clients des solutions et des marges de progrès réalistes tout en leur permettant de réduire drastiquement leurs coûts.
C.P. – Avez-vous des exemples de projets menés d’optimisation de gestion des déchets avec vos clients, tant sur l’impact environnemental qu’économique ?
S.ME. – Cette année, nous avons travaillé sur l’ensemble des magasins BUT en France. C’est un parfait exemple de l’effet d’échelle : à l’échelle d’un magasin, économiser 5 à 1000€ sur les déchets c’est déjà important. Mais à l’échelle du groupe (plus de 200 magasins intégrés), cela représente des enjeux environnementaux et économiques majeurs. Nous observons chaque mois l’évolution de différents indicateurs, notamment le taux de valorisation qui progresse significativement, avec des économies considérables à la clé.
Nous menons la même démarche chez Fnac Darty, client depuis 2017, pour qui nous lançons une nouvelle consultation cet été. C’est important de faire jouer la concurrence régulièrement et de voir si de nouvelles filières de valorisation ont émergé.
C.P. – Comment anticipez-vous les prochains défis avec l’arrivée de la REP des emballages professionnels ?
S.ME. – Le paysage évolue rapidement avec la multiplication des REP. Nous en sommes à une vingtaine de filières REP en France en 2025. Aujourd’hui, nous avons de nombreuses réglementations, des éco-organismes, des choix à faire.
Un des défis majeurs qui en découle concerne la gestion de la donnée. Chaque éco-organisme développe son propre outil, et nos clients se retrouvent avec plusieurs filières de déchets différentes à gérer. Cela devient une véritable usine à gaz. L’harmonisation de ces systèmes sera cruciale, notamment sur la gestion des emballages.
Notre connaissance des pratiques et contraintes des producteurs de déchet nous amène à travailler de plus en plus avec les éco-organismes qui cherchent à proposer à leurs adhérents les dispositifs les plus simples et pertinents.
C.P. – Quel conseil donneriez-vous aux entreprises qui doivent se préparer à la REP des emballages professionnels ?
S.ME. – Je donnerai trois conseils.
Les enjeux sont complexes, mais les opportunités sont réelles. Nous devons maîtriser les évolutions de cette nouvelle REP pour permettre aux entreprises de se concentrer sur leur cœur d’activité tout en progressant sur le volet environnemental.